Béatrice Bonhomme
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Béatrice Bonhomme
Béatrice Bonhomme-Villani vit à Nice. Elle a publié de nombreux livres de poèmes et des ouvrages de critique littéraire.
Elle anime avec Hervé Bosio, depuis 14 ans, la Revue Nu(e) qui a fait paraître 40 numéros sur des poètes et des artistes contemporains.
Dernièrement sont parus :
La Maison abandonnée, Melis 2006
Mutilation d'arbre, Collodion, 2008
Béatrice nous donne à lire une poésie féminine, forte et sensuelle, une poésie d'une rare densité. J'éprouve une certaine tendresse pour cette parole. A lire sans modération.
Contact : bb.nopasaran@wanadoo.fr
Les chevaux de l'enfance
Toujours bleus, et toujours ils reviennent les chevaux de l'enfance pour t'amener, te ramener aux fonds baptismaux de la mort, dans le linceul de la mort.
Et toujours sur le mouvement ample de leur dos, comme le rythme, le soulèvement de la mer, dans une naissance.
Sur le bercement ample du rythme de leur dos, allongé sur la vastitude des vagues, et toujours ils reviennent les chevaux de l'enfance, l'ampleur létale de leur dos, l'ampleur délicieuse et l'écume des vagues, ils reviennent les chevaux dans ce vert de l'enfance, ces prairies préservées, couchées à la lenteur majestueuse de leur dos et ce mouvement d'amplitude, ils reviennent.
Ce n'est plus le rythme fou des pulsations du désir ou d'un coeur mais juste le cercle que fait une étoile avant de s'endormir, et la vision rythmique d'un silence habité avant de s'endormir, avant de fermer les yeux.
Ils reviennent au centre des blés, le mouvement dansant du vent au centre du blé, ils reviennent comme toujours doit revenir le temps, comme retourne sur lui le cercle des douleurs.
Ils reviennent dans la douleur frontale des matins de jasmins où jamais ne s'oublie l'enfance, le manque. Là où l'on s'endort sur leurs deux épaules enfin réconciliées, ils te transportent à travers la transparence d'une matière, au linceul immatériel de la mort, les deux chevaux de l'apocalypse -ils ne sont plus que deux-, eux enfin réconciliés, désunis par le désir et réconciliés par la mort.
Ils se retournent vers moi les chevaux de l'enfance, leurs naseaux bleuis écarquillés de vent et ils inhalent la mer et ce soleil plus bleu. Ils plongent au creux des vagues de leurs reins vers le sillon ample de l'enfance pour me ramener des méandres et que j'émerge lentement du flot, au creux linceul d'une enfance, au creux même de la transparence.
Et ils forment le cercle d'une danse, les chevaux aux naseaux écarquillés de vent, pour te prendre sur leur dos et te ramener aux pôles longs, aux lenteurs des silences dans la mort ouverte, dans leur dos d'accueil et de mort.
Ils reviennent et s'étoilent les chevaux de l'enfance, ou bien la laine filée sur l'écheveau.
L'écheveau de la Parque t'attrape par les cheveux, et te file et coupe le fil, le fil des mots de la parole, le silence d'accueil, un diamant sur le mouvement rythmique d'une mort pulsée bleu.
Editions Mélis 2004
***
Sauvages
I
Tu restes sur les contreforts ailés,
des restanques
ma délicate où s'éparpille ta
secrète jouissance
tu demeures
tu restes sur les contreforts du passé
bleu de rêve
la nuance de ta possession
***
II
Tu demeures sur les ailes blondies
de la mer, ma délicate, dont
l'humble jouissance éparpille
les étoiles
Mendiant d'amour posé sur le
coeur gros des tournesols
le visage écarté en coeur de soleil ou de chagrin
tu ouvres la bouche la mer
sur ta secrète jouissance
***
IV
Tu reposes, allongé sur les tombes
ailées tu accueilles l'espace
le temps n'est que le temps
rien d'autre, toujours perdu,
passé
***
V
je suis venue t'attendre
là où, dans ta musique, j'éparpille
tes cendres
je n'ai jamais pleuré ta mort
ma pure, ma délicate,
et le temps des larmes passait.
***
VII
je n'ai jamais pleuré ta mort
Lourmarin, tu es ma femme
il a dit tu es ma femme
il a bu la coupe à même
les doigts sonores d'étoiles
***
X
je n'ai jamais su arrêter
le film, il aurait fallu en
finir et éclater la tête
d'étoiles
recueillir ma douce, ma
jouissante et la rejoindre
sous la terre
***
XIV
j'ai erré sur les musiques
et les châteaux de mon
enfance
Il a dit j'ai dormi sur les siestes
de brume où planaient les dormants
Il a dit j'ai partagé des nuits sourdes
où l'espace devenait rocher
Il a dit j'ai partagé le corps triste, le corps mou
le corps vieux qui ne sait plus jouir
Il a dit j'ai tout partagé
de ma douleur et des souffrances
et sur les contreforts du monde
il reste ton sourire de vierge
***
XV
Il a dit si souvent dans
l'espace amolli je n'ai plus cru à rien
j'ai fermé sourd-muet les tombes de mon coeur
j'ai tué les enfants, enseveli les chants
détesté la vie même
Il a dit si souvent j'ai haï
Il a dit j'ai tout fermé et les baisers tombaient
sur le marbre glacé
Il a dit danse sur Lourmarin
la tombe recueillie
***
XVI
étoile la mer de tes sourires d'oiseaux
greluche, petite fille
petite grue, ma putain, réjouis-toi d'étoiles
et que j'ouvre les mains
Il a dit petite fille coeur en fesses
et fesses en plein coeur
il a dit ma petite tends ta bouche
princesse, ma très jolie putain,
il a dit ma femme, mon silence, ma toute petite fille
viens que je te protège
***
XVI
Il a dit ma folle
viens rejoindre l'autre folle
la folie de la terre
sur les contreforts du silence
je saurai enfin j'écarterai la mort
Sauvages, éditions des Moires, 1997
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L'univers n'en sait rien...
l'espace des hommes
à l'angle de souffrance
de tes jambes ouvertes
dans l'intersection aiguillée
de deux temps, de deux silences
je t'attendrai
drapé de cape noire
à dormir dans la moiteur bleue
de ton amour
***
reposant contre toi
posée au profil
d'accueil de ton corps
et dans la chaleur d'une main
paume ouverte
brûlant mon dos
***
rien d'autre qu'un petit hamster russe
un piou-piou courant sur le lit
comme un oiseau de mousse aux moustaches vibrantes
et ton rire d'enfant recueilli dans ma main
une plume douce, un duvet de souris dans sa cage
de perroquet
mauve et roule le manège
à rendre fou de t'étourdir
la douceur imaginaire d'une transparence chaude
sur mes doigts
***
il dit ma petite fille tu m'éblouis
il dit tu m'illumines
j'ai pensé à ces pommiers en fleurs
il dit ma petite fille tu éclaires ma vie
il dit viens plus près de moi, il dit viens tout près je suis ébloui dans les nuages du regard
il dit tu es toute ma vie
***
il dit que tu es belle il dit j'effleure ta joue
il me dit et l'univers n'en sait rien
***
le souffle vacille et tremble la langueur de l'été
d'un instant qui vibre
je te retrouverai au renouveau des champs
éclatants de rosée
petite chouette aux yeux clairs nez rouge gravé dans la pierre,
ce présent que tu me fais
le jour qui pointe chaque soir au berceau
d'un enfant que j'aimerai de toi
je te porterai toujours en moi
il dit à la femme que j'aime
dans la douceur du soir
tu es celle qui habite la maison de mes songes
***
j'écris dans une course effrénée contre la mort
je marcherai toujours avec toi sur les grèves lointaines
notre enfant à jamais blotti contre nous
je t'écris sur les chemins de nos retours
dans la présence inédite de ton pas
de ton attente
renouée au destin
il dit tu traverses les pages du livre de ma vie
je suis ton amoureux jeune et tendre marié
il dit tu es ma vie, l'univers n'en sait rien
L'Univers n'en sait rien, éditions Nue, 1995