Morgan RIET
Morgan RIET
morganriet@live.fr
Né en 1974, à Bayeux, dans le Calvados. Y vit toujours. Aide soigant dans une institution spécialisée.
Quelques textes publiés dans les revues suivantes :
Décharge, Comme en poésie, Gros textes, Friches, L’Autobus, Traction-brabant, Microbe, Poésie/Seine, Inédit Nouveau, Francopolis, Florilège, Les Nouveaux Cahiers de l’Adour, Les Amis de Thalie, 17 secondes, Libelle, Le Capital des Mots, Mauvaise graine, Les Cahiers de Poésie, Les Cahiers de la rue Ventura, les Tas de mots, Verso et prochainement Paysages écrits.
Présent dans l’Anthologie « Visages de poésie » – Tome 6- de Jacques Basse (Editions Rafael de Surtis – 2012) mais également dans l’Anthologie « enfances » et Rencontres sonores sur la Toile de l’un d’Alain Boudet : http://amb.boudet.perso.sfr.fr/, ainsi que sur le blog Poésie maintenant de Pierre Maubé : http://poesiemaintenant.hautetfort.com/
Recueils & plaquettes
- Lieu cherché, chemins battus (Editions Clapàs – 2007)
- En pays disparate (Editions Clapàs – 2010)
- Midi juste environ (mini-plaquette fabriquée à la maison – 2011)
- Du côté de Vésanie, illustré par Matt Mahlen (Editions Gros textes – 2012)
- Ça brûle (-36° édition – 2012)
- Quelque chose, photos de David Lemaresquier (Editions Les Tas de mots – 2013)
- Vu de l’intérieur, illustré par Hervé Gouzerh(Editions Donner à voir – 2013)
& 1 poème figurant dans la sixième édition du Chemin des poètes de Durcet, Orne – 2011
Blog : http://cheminsbattus.wordpress.com
Voilà qui nous console de bien des logghorées vaniteuses. Une poésie sans fard, "à fleur de poème" effectivement. Morgan n'a pas besoin de poser pour la postérité ou pour les salons. Il écrit, il vit c'est tout. Il écrit à fleur de vie et cela suffit à notre bonheur. Le quotidien est là, cueilli au vol, mais rien à voir ici avec des quotidienneries essoufflées. En dépit de "la chair du doute" et de la couleur devinée de la "voix gelée" du père, cela sent bon l'enfance et la fraîcheur dont aurait tant besoin parfois la poésie contemporaine. Avec cela, on "enjambe/ l'horizon" et c'est "du pareil/ au rêve". Dans un poème fragile et "charpenté/ comme un moineau". Oui, voilà bien une poésie qui propose une belle envolée.
Poèmes :
A fleur de poème
De mauvais poil, ce matin.
Je rase les murs
et bataille
avec les cheveux blancs
que je me fais, je frise
l’insularité
dans les rues où fenêtres
et portes croisées se renfrognent.
Pas possible de couper
à cet accès de sourde lourde
tempête
de neige
qui m’assiège.
Ah,
que
ça
caille
raide
sous le ciel laid bas caillé !
J’ai partout, ce matin,
la chair du doute.
***
A la normande
Oui, oui !
peut-être bien que…
non – parole
de normand pas né
de la dernière pluie ! –
mais…
peut-être bien que…
oui, vu, là-haut,
tous ces moutons qui paissent
et paraissent
n’avoir pas encore dit – oh que non ! –
leur dernier nuage,
à cela prés que…
tiens, tiens,
le soleil !
et moi
qui plane
avec mes sabots
bien lourds
sur le plancher des vaches,
à la fois gai
et triste
de ne savoir aller,
à travers chant,
au-delà de cette antienne
de la pluie et du beau temps.
***
Appareiller
Un seau, une pelle, une poignée
de sable, île
n’en faut
pas plus
à l’enfance
pour qu’elle enjambe
l’horizon.
Pour moi,
à quelques détails prés,
c’est encore du pareil
au rêve.
***
A tout casser
On voudrait bien construire
quelque chose de solide
sur la terre battue des silences,
quelque chose qui tienne
en respect
les doutes ;
et on essaye,
et on essaye
de casser des briques,
des blocs de marbre, de granit,
et on a des rêves
de palais, de châteaux
monumentaux, d’augustes
cathédrales qui, oups !
retombent
aussitôt
et mordent le balatum
que foulent au pied de biche
quelques chiures
de mots, des biffures
sur un bout de papier, alors cabane,
dans le meilleur des cas,
d’un poème charpenté comme
un moineau.
***
Bris
Odeur de pluie
sur le parvis
de la cathédrale
ou serait-ce
ailleurs.
Comme un angelot
qui siffle un air
de nu chemin,
comme une image
qui m’oblique
vers je ne sais quelle
saison.
Au-dessus,
au-dedans,
immense terrain vague,
camaïeu, timide odeur de gris
d’enfance.
***
Centre commercial
Rien de bien neuf
dans la galerie marchande.
Du mouvement.
Du bruit.
Des enfilades
de chiffres.
Des voix
accortes.
Des corps, des ombres parallèles
et beaucoup, sans doute,
de paniers percés
de solitude.
Rien de bien neuf
sous le soleil
des néons.
Vagues d’argent liquide,
valses magnétiques
des codes secrets.
Oh flux de noyés,
d’étourdis sur la grève
alléchante des vitrines.
Parfois, quand même,
au milieu de tout ça,
l’éclair d’un regard
à la chaleur relative
s’offrant à la courbure
de l’espace-temps d’un autre.
***
En passant
Avenue Prévert,
squares Lamartine,
Vigny, Verlaine,
Rimbaud, Baudelaire…
Des bribes de vers me viennent
et un peu de tristesse
à penser,
en passant,
que la plupart des gens
qui ont construit
et meublé là leur vie
ne leur ont jamais
ou presque,
ou il y a des lustres,
entrebâillés la porte.
***
Fantaisie
Zut !
une plaque de verglas !
Je glisse
et manque de… ouf !
je me
rattrape
à la clenche d’une porte
contre laquelle
grogne,
frappe
à tour de pattes
un ours
mal léché,
affamé,
au pelage
de neige.
(Allez, faut bien qu’on rouvre…)
-Ah,
bonjour,
vous déjà là,
l’hiver ?
***
Feu
à mon père.
I
La couleur de ta voix,
gelée, perdue de vue.
Il suffirait de
si peu de chose
pour qu’à nouveau je puisse l’étreindre,
juste
que tu ressurgisses
d’entre les mots étranglés.
II
Je viens
de relire ta lettre.
Pour la énième
fois,
je relie les miennes
avec des ponts
d’amour
au-dessus
de ce vide
qu’enjambe,
pour la énième
fois,
ma voix
avec les mêmes
points
de suspension.
III
Certains soirs,
dans la cuisine,
il fallait te voir,
penché sur ta feuille,
la clope au bec,
en train de gribouiller,
peaufiner tes speeches.
Certains soirs,
c’était bon de te sentir si
ailleurs
au plus près du feu doux
qui brûlait dans tes yeux,
de te sentir là,
heureux de mettre ainsi en forme
cette soif absolue
de justice
qui t’habitait
et te poussait si loin, si nu, si vrai
à te battre à bout de souffle pour les autres.
De cela
je n’ai pas hérité
ou alors très à demi-
mot,
sous la forme
de ce trait de biais
où le souffle parfois m’engage.
***
Vers
C’est l’effort vers.
L’œil, l’esprit, les muscles bandent.
A la poursuite d’une flèche,
le corps
s’arque en sueur,
les pieds,
d’une écriture
plus ou moins régulière,
percutent le sol.
C’est l’effort vers.
En un rebond de sens,
mon souffle retient, cette fois,
au passage,
l’écho lointain d’une cloche,
le grincement d’une persienne,
le cri rauque des graviers
sous mes grolles,
et, par-dessus tout,
le silence à midi des ruelles
aussitôt démenti
par les artères traversées
et les miennes ! dans
la toujours plus loin
ligne de rêver.