Françoise Hàn
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Françoise Hàn
Photo Ambre Nolen
Née à Paris en 1928. Poète et critique littéraire, membre du jury du prix Antonin Artaud. Collaboratrice de la revue Europe (depuis 1955) et des Lettres Françaises. Une quinzaine d’ouvrages publiés depuis Cité des hommes (Seghers, 1956), dont L’évolution des paysages (Cadex, 2000) ; Ne pensant à rien (Jacques Brémond, 2002) ; Une feuille rouge (Jacques Brémond, 2004), Un été sans fin (Jacques Brémont, 2008, un superbe texte et un livre précieux), Violoncelle souterrain, avec une gravure de Gérard Truilhé, ouvrage à 49 exemplaires par le graveur.
Depuis 50 ans, Françoise Hàn, qui a publié aussi le beau recueil Une fête même au creux du sombre chez Rougerie, publie une poésie qui vient du plus profond et va au plus loin, une poésie cosmique. Des images particulièrement émouvantes : "le sel se dépose sur les mots".
Les étoiles à portée de main
La paupière se soulève
l’œil tient le firmament tout entier
chacun des mondes rendus visibles
porte l’un des noms de notre amour
de l’un à l’autre nous naviguons
nous chantons nous pleurons dans les cordages
le sel se dépose sur les mots
Nous traversons des nuits et des nuits
des lunes dansent
leurs rondes enfantines
leurs rythmes s’emparent
des syllabes égarées
Nous nous enfonçons dans le brouillard
éblouissant où naissent les étoiles
elles palpitent sous nos doigts
elles sont le couvain de ciels futurs
Dans une galaxie très lointaine
nous sommes à jamais adolescents
la lumière dévie sa trajectoire
répète notre image nous multiplie
nous habitons toutes les planètes
nous parlons toutes les langues
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Creuser
De nos
bêches
l’espace-temps
y déterrer
brûlants ou fossiles
des indices
l’univers a une histoire
hors du mirage d’éternité
qui le tenait en suspens
immobile
dans nos lointains
si peu profonds
selon quelles courbes
en remonter le cours
des distances fluides
une géométrie moins bornée
que celle de l’aventure humaine
quelles cordes tendre
que vibrent les dissonances
d’où sont nés les astres
les amas de galaxies
la matière invisible
un savoir insoumis [1]
nous entraîne à chercher au fond du gouffre
la densité des premiers instants
[1] Lorand GASPAR, La maison près de la mer. PAP (Pierre-Alain Pingaud), 1992
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à Brigitte Gyr
Je ne peux pas écrire
le mot
cri
autrement que syllabe
dans l’ère
pierre lancée
vers la fin du monde
Je ne peux pas écrire
le mot
tombant droit sur terre
rejaillissant dans l’air
frappant au visage
le point
qui contiendrait tous les âges
le temps de toutes les vies
condamnées sans appel
Je rature
sans l’avoir écrit
le mot
qui ne peut pas traduire
les vies sans voix
leur infini
désespoir