Fanie Vincent
Fanie Vincent
Fanie VINCENT, jumelle, voit le jour un 1er mai à Saint-Etienne. Tête dans les nuages, pieds en terre, une enfance entre ville de Loire et campagne de Haute Loire. Les mots sillons, elle les aborde très tôt avec Rimbaud, Prévert, Apollinaire, Eluard, Aragon, Desnos… Ensuite, elle découvre une poésie plus contemporaine du Monde avec, notamment, les poètes d’Amérique Latine.
Très jeune, elle écrit des poèmes, perdus dans un déménagement, puis de brèves nouvelles, un genre qu’elle ne délaisse jamais, parfois avec un besoin impérieux de jouer avec les mots. L’animation d’ateliers d’écriture entre Loire et Rhône et de nombreuses lectures favorisent son attention à la créativité des autres. Parfois « écrivain public », elle enseigne aussi notre belle et complexe langue aux migrants, en région lyonnaise, dans une structure de la Croix-Rouge. Elle amorce une publication modeste avec les Editions Christian Domec dans « infinis paysages ». Depuis elle entame une mutation dans la forme, mais la lecture des poètes de talent la rend très humble vis-à-vis de ses écrits personnels !
« La poésie rend la vie sur terre plus belle, moins éphémère, moins misérable » dit Adonis, Fanie tente de dessiner sur les ombres de sa vie, des rayons d’émotions joyeuses.
Je connais Fanie depuis trois ou quatre ans et nous sommes devenus des amis très proches malgré la grande distance qui nous sépare. Nous nous sommes rencontrés sur les réseaux sociaux où Fanie, contrairement à tant d'autres, ne se met pas en avant, c'est tout au contraire. Elle donne, beaucoup ! Partage ses passions, les textes et les auteurs qu'elle aime. Elle a en elle cette qualité qui manque tant à tant d'autres : l'humilité ! Et cette humilité la rend généreuse tout simplement. Et exigeante. "la lecture des poètes de talent la rend très humble vis-à-vis de ses écrits personnels". Beaucoup se croient des génies quand ils ne lisent pas... Fanie a cette science de se savoir "goutte/ dans l'infinitude", "l'esquif/ Balloté/ Par les flots/ Tumultueux." Et c'est ainsi qu'elle devient flots à son tour. Fanie se sait fragile et c'est sa force. Fanie ose la fragilité devant le monde et c'est son défi.
Fanie est aussi une femme amoureuse de l'amour : elle est ce "feu tout femme". Fanie sait que le poème est tout amour et "élan de vie". Fanie est une femme amoureuse du désir aussi et de la sensualité. Lisez comment ses poèmes suggèrent les caresses et les baisers les plus fous. La tige des fleurs n'est jamais loin des lèvres. Oui, ses poèmes caressent et embrassent. Il font l'amour ou plutôt selon son expression ils "font la tendresse". A l'amoureux rêvé elle dit simplement "tu fais rire ma peau [...] tu me contiens en brassées de jambes [...] ma nuit mêle en draps/ ton parfum de coquillage". Elle avoue ainsi ses "brindilles d'orgasmes". C'est si beau l'amour et le désir quand c'est dit, et fait ainsi !
Fanie aime la sensualité mais elle aime aussi le jeu, le jeu sensuel des mots. C'est même par ce jeu qu'elle va pouvoir évoquer le "père sévère", le père manant", soit l'absence du "père dû" et ce jusqu'au pardon accordé par l'accord des mots.
Féminine, sensuelle, généreuse, joueuse, et finalement d'une profondeur si rare aujourd'hui, la poésie de Fanie Vincent est à découvrir. Et à aimer quand elle nous apprend à aimer justement. Je ne suis pas peu fier de contribuer un peu à cette découverte.
Guy Allix
Choix de textes
ÉLÉGIE
Je dénude mon chagrin
à la toison des mots tus
dans le ressac
des rêves
effeuillés.
La perte
puits
qui résonne
en écho de vide mouillé
la douleur déborde.
L’aube s’étonne
de tant de silence
brindilles d’espoir en étau
cavité en salpêtre
d’attente.
Les songes de rebord de cils
batifolaient en nuit éveillée
ligne brisée
des mots de peine
en couleur délavée.
Le passé court devant
sur la route sans bornes
de l’illusoire tueur d’amour
un peu de toi s’en va
et je me reviens.
***
JE T’AIME
(en hommage à Jacques BREL)
Pour l’éclat qui brille
A l’astre des matins
D’un battement de cils
Et rêve serein
Je t’aime.
Pour la corolle d’un avenir
Au champ du possible
Tissu de cachemire
Et rêve de voie accessible
Je t’aime.
Pour la main qui voyage
Au bras de mer de mon corps
Sur l’épiderme en nage
Et rêve de trouver le port
Je t’aime.
Pour la source qui désaltère
Au fond moussu d’un bois
En ses cressons se perd
Et rêve et ondoie
Je t’aime.
Pour la flamme qui embrase
L’âtre au mur de brique
Une lueur dit avec emphase
Et rêve du ton calorique
Je t’aime.
Pour la paix retrouvée
D’une aurore boréale
Et rêve en lune avivée
Rêve la nuit idéale
Je t’aime.
Pour le rire qui jaillit
Pour les lèvres qui s’épanchent
Ensemble deux pour la vie
Tous les jours comme dimanche
Je t’aime.
***
PIERRE DE L’ABSENCE
Pierre de l’absence
émergence
d’un buisson ardent
brûlure de lèvres
en promesse d’au-revoir
L’attente
en vert printemps
au sang rouge
de la nuit
Des mots
éther sur la béance
de ma plaie
***
Tu Toi
Tu fais rire ma peau
à pores déployés
prends bouche pour oreille.
Tu me contiens en brassées de jambes.
Mon aube un été qui gambade
à pas de pétales interdits.
Ma nuit mêle en draps
ton parfum
de coquillage.
Brindilles d'orgasmes
au crépuscule
éparpillées...
***
MA NATURE EST RESTÉE
Là-bas : les maisons aux tons d’écume
pointillent l’azur,
quand en Méditerranée
il se noie.
Là-bas : les palmes bercent les étoiles
dans leurs draps de soie marine,
sous un clin d’œil de lune.
Là-bas : la feuille d’amandier s’efface
devant la beauté rosissante
de sa flore
pubère.
Là-bas : la sérénité de l’aube exhale
des senteurs ardentes
de fleurs
d’oranger.
Là-bas : la nacelle du pêcheur
glisse sur la mer d’huile
qu’embrasent les flammèches
des lamparos.
Soulevant la terre de mes grenadiers
en volutes de safran,
le vent de l’absence brouille l’image
de ma nature
Restée… LA-BAS…
***
ROUGE SANS
Coquelicot dressé
en silence
tendresse à la brise
de l’absence
passion
passion aimant
à la folie d’un feu tout femme
à la robe du vin
qu’on dénude en lèvres
élan de vie pour torréfier la mort
la défier
rouge au faire la tendresse
peau fragile en rouge heure
chaperon sauvé par le loup
d’une plaie d’enfance
restée en écorchure
quand en abyme le sang
s’égoutte en commissure.
***
A CELUI QUI A CROISE TON CHEMIN
TU NE SAIS PAS OÙ TU VAS, d’où tu viens, ne l’oublie pas !
Le chemin parcouru, comme un ruban défile, avec sa moire de nostalgie, ses méandres d’intentions, ses fleurs d’utopie.
Tu ne sais pas où tu vas, mais tu espères la main d’un pèlerin pour rendre la route plus légère, tu espères le regard de cet autre qui, autrement, te rendra à toi-même.
Aucun itinéraire dans ta musette, lors te guideront les chants d’oiseaux sur le chemin qui longe l’herbe au vent ébouriffée.
Tu ignores le tracé de tes pas lourds d’insomnie, mais tu espères l’aube. Tu attends le frémissement des pierres sous la caresse du soleil. Tu attends l’odeur de la terre sous les larmes de l’averse qui mouille ta « petite laine ». Tu te sens enracinée dans chaque parcelle d’humus, dans chaque tertre de bruyère.
Tu ne sais rien des certitudes des autres qui semblent connaître le chemin…
***
SEMAILLES
En bord de terre
en labour tracé
quelques graines
d’amour semées
puis le soleil pour mûrir
les épis que le vent cambre
jusqu’à moisson
gerbes conjointes
qui meulées au levain du désir
avec toi seront pain à partager
à nourrir de faim d’autres ventres
en clé des champs en clé de sol…
***
TIC TAC
Tic tac
deux mots
attente
son qui claque
le temps soupire
en minutes
secondaires
l’instant… longtemps
suspension
en points d’absence
surlignée
***
UN MAL DE MERE DES MOTS DE PERE
Père sévère, perturbé troublé,
Père sans point de repère, pérégrinations.
Ni père formant, ni père fusion, persiflé
Ce mot père sonne comme absence
Perplexité pour ne pas père "hainiser".
Je cherche comme un père dû, une image
Qui après père oraison funèbre éteindrait
La perpétuité des remords de n'avoir pu
Avec mon père se voir : père mission impossible
Pour éclairer ces ombres avec beaucoup d'ampères.
J'ai parfois "mangé du curé" pour lui dire mon Père,
Mais le temps -père spirituel- n'a pas gommé le vitupère,
Au très catholique je préférais l'autre protestant,
La glaise à l'Eglise, des S père pour cet être singulier.
Unique ce père avait permuté en père manant !
J'ai tenté aussi d'être un garçon manqué pour effacer
Le père manquant et ainsi faire le père durer
Pour ne pas le rendre perdant.
Avant d'avoir trouvé un père O.K, tout était perdu.
D'un père départ hâté, raté, percutant, en père choir.
Avoir d'une part de père été, du père sienne.
Image périclitée d'un empire de père enfin pardonné.
***
Au ventre de la nuit
grouillent les noirceurs
que le jour avait celées
et le cri de nos défunts espoirs
lacère les branches d’étoiles
le monde rétrécit en nos paupières apesanties
et le vide de l’insomnie
nous renvoie à notre dénuement
l’ombre cendreuse de trop de flamme consumée
cerne le regard du matin
qui s’apprêtait à danser.
***
Sous le regard des étoiles
s’allument nos rêves
lueur fugace
des nuits lucioles
ratures au firmament
de ceux qui meurent
incandescence
en indécence
de fantasmes
qui refont l’aube
en minuit sonné
au vert luisant
l’accord de deux
peaux géméllaires
en duo réinventé
Où vont les rêves
qu’on ose
à la faveur des étoiles ?
***
Parfois l’amour s’aiguise
jusqu’à devenir lame
et j’essuie comme larme
ce rouge en pluie
qui s’égoutte lentement
à la trouée verte
de la clairière
ce bleu à l’âme
en myosotis
délavé
par l’averse
du désarroi
et si l’espoir se réinventait ?
***
LE SPLEEN M'EFFLEURE
Ne mêle pas ancolie à la rose
Redonne-moi le ton de l'amarante
La belle de jour s'est déchirée à l'aube épine
De l'allumeur de sourire, le bouton dort
Crédule j'en avais cru la fleur immortelle
Quand le mouron s'attache à Narcisse
L'oeil hait le regard bleuté du myosotis
Et des orchidées de larmes priment vers
le teint mots-roses des soucis.
Redevenir l'amante, la Reine Marguerite
Pour réinventer ce que le mime osa
Le sépale du déplaisir a fait boule de neige
Ce passé las ! Flétri, me revient en pensée
Avant que l'aurore violette ne la vende
Le pavot a perdu du soleil le teint.
J'étais l’ardente bru hier encore
Avant le poids de senteur,
Folie assez, l'ombelle, la crise en thème
Dis moi que la belladone est éphémère !
***
SE FAIRE LATENDRESSE
Se faire la tendresse
au pied du tilleul
en fleurs enivrantes
Accoupler nos souffles
au chagrin endormi
Battre la démesure
en gammes
en parfait à corps
de murmures
Se dire la vie
en alphabet de caresses
pour hurler contre la mort
à cri de louve…
***
Je suis goutte
Dans l'infinitude
D'un océan
De saphir.
Je suis vague
Bue par le sable
Salive d'écume
Spongieuse
Je suis l'esquif
Balloté
Par les flots
Tumultueux.
Point l'écueil
Où l'appel
d'une sirène
Vous escorte.
A l'antipode
L'île d'enfance
D'un lointain
Neptune...
Aqua tu songes