Michel Duprez
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Michel DUPREZ
Michel Duprez est né à Charleroi (Belgique) le 24 août 1950 et a terminé récemment sa carrière professionnelle en qualité de responsable marketing dans une mutualité après avoir été pendant près de 20 ans correspondant de presse à « La Nouvelle Gazette ».
A obtenu plusieurs distinctions importantes depuis son premier recueil, « A condition d’y croire » en 1973.
Son écriture connaît une interruption pendant 25 ans à partir de 1982.
"Rêve-toi et marche", rassemble les deux facettes de cet auteur (humour, gravité : « Côté pile », « Côté face ») publiées « tête-bêche ».
Publications :
Langagements d’Orphée, Editions Chambelland, « La Coïncidence », Paris, 1978 (Prix Emile Polak de l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises)
Présent ultérieur, La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1981
(Prix Hubert Krains 1979)
Rêve-toi et marche, chez l’auteur, Forchies-la-Marche, Belgique, 2010.
Entre humour et gravité, voilà un poète qui sait donner voix au silence et qui sait que les réponses à nos questions voyagent incognito. Sans doute le masque de l'humour (rien n'est plus sérieux que lui) permet-il alors de les attraper au passage, l'air de rien. l'air de tout dans un bel aveu du monde.
Le silence est sourd-muet,
Personne ne peut lui parler,
Personne ne l’a jamais entendu s’exprimer
Ni encore moins vu remuer les lèvres
Ou avaler sa langue,
Car il n’a pas de langue,
Pas de lèvres,
Pas de bouche,
Pas de tête,
Pas de corps,
Rien pour nous couper la parole.
Le silence est incapable
De desserrer les dents
Ou de souffler mot,
Mais c’est le silence,
Et, quoi que l’on fasse ou que l’on dise,
Un jour il finit par s’approcher de nous
À pas de loup.
Plus question d’étouffer l’affaire,
Quelqu’un prononce la formule magique,
Et il s’impose,
Forçant le respect,
Il s’avère dès lors si éloquent
Qu’il devient la voix même des poètes.
Le silence
- Qui peut dire ? -
Est,
Peut-être,
La conscience du monde.
***
Vous avez vu ?
Il a jailli comme une étincelle,
Comme ça, sans prévenir,
Avant de poignarder la nuit
Et de s’enfuir
À longs enjambements,
Des nuages pleins les cheveux.
Il lui a suffi d’un clin d’œil,
De quelques mots bien placés,
Pour mettre fin
À la noirceur du monde.
Il a balayé la mort
D’un seul revers de manche,
Massacré toute la misère
Qui se terrait encore en nous
Comme n’importe qui d’autre que lui
Se serait calmement servi à boire.
Il est bien plus qu’un être humain,
Il incarne l’univers
Et il permet d’être.
Être…
Vous savez qu’il m’arrive quelquefois de me demander
Si lui aussi, au fond,
Pourrait vivre sans moi ?
C’est vrai : à force de jouer au dur
Et d’avoir maintes et maintes fois prouvé
Qu’il n’était pas de la petite bière,
Il n’est et ne restera jamais qu’un vers,
Un tout petit bout de phrase
Au pas cadencé
Qui a intérêt à filer doux
Dans l’espoir d’être accepté.
C’est le dernier bastion d’un monde que l’on croyait disparu depuis longtemps. Plus personne derrière les meurtrières de ses tours ou de ses remparts. On entend des clameurs d’enfants monter aux créneaux quand la mer, à marée haute, exhale sa douce haleine de fraîchin et que le bruit des canons de l’orage étouffe celui du ressac.
Ce château en ruine sans souterrains ni pont-levis et aux douves si profondes qu’il nous a toujours semblé imprenable est-il réel ou seulement une de ces illusions dont on bâtit les légendes ?
Peu importe. Les vagues, qui ont la réputation d’être sans pitié, mettront un point final à ce dilemme en emportant tout sur leur passage.
Je n’invente rien,
J’écris de mémoire.
Ceux qui se reconnaissent en moi
Eux aussi, peut-être, se souviennent
De cette impression de déjà vu,
Déjà lu,
Entendu.
De cette musique dans les doigts,
Interprétée par cœur.
Retenez-moi,
Disait-elle dans l’ombre,
Ou je fais un malheur.
Le temps souffle,
Il raconte n’importe quoi.
Faites comme moi,
Ayez l’air de tout ignorer
Et de tout découvrir.
Soyez sûrs que, pendant ce temps-là,
Le futur
S’organise.
Livre-toi,
Délivre-moi,
Laisse-les vivre,
Enivre-nous.
Que le sang du silence
Abreuve les blessures.
Que les cris de douleur
Eux aussi soient ivres de joie.
Quand les éclats de voix
Terrassés par le givre
Ne seront plus que murmures
Et que le chant, pour survivre,
Poursuivra seul
Son chemin dans les chairs.
Délivre-nous des livres.
Ceci n’est pas un poème.
Je ne suis d’ailleurs pas un poète moi-même,
Seulement un homme de parole
Venu vous offrir les mots d’un autre,
Qui sait qu’un jour mille sources de lumière
Jailliront de sa poitrine
Avant d’embraser vos yeux ou d’enchanter vos oreilles.
Je ne parle même pas en mon nom,
Mais, en mon âme et conscience, je vis, je vois,
Je peux même deviner entre les lignes
Ce que chacun et chacune d’entre vous rêvent de vivre.
J’assume pleinement les devoirs de mon rôle
Et n’en démordrai pas,
Jusqu’à mon dernier souffle.
Ceci n’est qu’une partition
Dont je suis l’humble instrumentiste.
Laissez-vous guider par la musique des mots,
Les émotions, j’en fais mon affaire.
Partageons ces quelques fruits défendus
Fraîchement cueillis pour vous dans les jardins du silence.
Pour vous, mais aussi pour ceux et celles qui vous ont précédé
Ou qui vous suivront.
Ils ressemblent à des cailloux,
cependant ne vous y trompez pas :
À peine attrapés au vol, ils fondent sur la langue
Comme cet alcool juteux giclant hors de sa peau de chocolat
Quand la dent cède au désir.
Ceci n’est pas un poème
Mais seulement une page
Du testament d’une âme,
Une toute petite page
Qui vaut son pesant d’homme.
A présent que je l’ai portée en moi le temps qu’il fallait,
Qu’elle a réussi à diluer son encre dans mon sang
Jusqu’à ce que sa pensée finisse par conquérir la mienne,
Il m’incombe de la remettre au monde.
***
sens interdit
Soyons clairs :
Le secret doit rester secret.
Ce n’est pas à nous mais à vous
D’interpréter les choses.
Parler à voix haute
N’a d’ailleurs jamais figuré parmi nos attributions.
La fonction que nous exerçons,
Quelquefois bien malgré nous,
Aussi noble soit-elle,
Se limite à consigner
Ce qu’il nous a été permis de découvrir.
Un état des lieux en quelque sorte,
Et, s’il y a lieu,
Un constat en bonne et due forme.
Tout ce que nous divulguons peut s’expliquer
Sans que la raison intervienne.
Vous entrez dans un monde
Où nous sommes seuls à établir les règles.
Ce que vous entendrez par là
Ne sera même plus de notre ressort.
Interrogez la page,
Faites-lui passer l’épreuve tant redoutée,
Tournez-là, retournez-là, chiffonnez-là,
N’hésitez pas à l’arracher de son support si vous voulez,
Mais ne comptez pas sur nous
Pour en apprendre davantage.
Il est toutefois plus que probable
Que les réponses à vos questions
Voyagent désormais incognito
Quelque part
Au fond de vous.
Il ne vous reste plus
Qu’à les saisir.
***
clair-obscur
La poésie resplendit comme un soleil.
Les images sont les rayons qu’elle trempe
Dans l’encrier du langage.
Seule ombre au tableau :
L’ombre justement,
Cette preuve incertaine
D’une certaine présence
En permanence à nos côtés,
Cette projection d’un être ou d’une chose
Qui n’est peut-être qu’un leurre
Et dont rien ne laisse présager
Ce qui se trame en elle,
Où quelques-uns d’entre nous, pourtant,
Confondant fausse opacité et lieu sûr,
Continuent de se croire à l’abri.
L’ombre,
Celle d’un doute,
Ce reflet à la mine sombre,
Cette silhouette illusoire enfantée par la lumière
Et aussitôt répudiée.
L’ombre,
Parfois fidèle,
Souvent trompeuse,
Dont il me semble avoir déjà été la proie
Et qu’il nous faut traquer, traquer encore et toujours,
Jusqu’à ce qu’elle ne soit plus
Que l’ombre d’elle-même.
***
parfait amour
Si vous faites allusion à toutes ces illusions
Qui permettent d’obtenir tant de bonheur sur terre,
Tous ces grands écarts d’imagination visionnaires,
Ces traits d’esprit créateurs qui vous touchent en plein cœur
Sans que l’on puisse empêcher quoi que ce soit,
À plus forte raison quand l’amour
A fini par vous monter à la tête,
C’est qu’il est déjà trop tard.
Ces pensées toutes fraîches,
Arrachées au néant,
Produisent leurs effets secondaires.
Vous venez à nouveau d’être choisis
Pour briser nos chaînes
Et pour que nos paroles les plus insensées,
Nos propos les plus hallucinants
Retombent sous le sens.
Tous les sujets du Verbe,
Futurs articles de foi,
Se remettront bientôt à chanter
Avec la voix des feuilles aux accents de forêts vierges
Ce plein air si pur qui nous transperce,
Nous aspire et nous inspire,
Désir, extase, oiseau de feu,
Parfait amour
Filé parfois
Juste le temps
D’un éclair.