Mireille Le Liboux
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Mireille Le Liboux
Mireille Le Liboux est née à Chinon, au pays de Rabelais, en 1951. Après quelques détours, elle est arrivée au pays de Lorient en 1979. Elle vit actuellement à Larmor-Plage et est enseignante à Lorient. Elle a publié deux recueils aux éditions Encres Vives, en 2007 et 2008 et des textes dans plusieurs revues. Son dernier livre est paru en 2009, L’Empreinte des cygnes, aux éditions Chemins bleus, avec des illustrations de Marc Bernol. Le même éditeur prépare un recueil bilingue avec des illustrations de Dominique Haab-Camon. Elle fait des lectures en musique avec le musicien Nicolas Syz. Elle fait partie de l’Association des Ecrivains Bretons (AEB).
Voilà une poésie qui ne se paie pas de mots quand elle se contente de leur redonner toute leur étendue, toute leur musique, toute leur saveur. C'est dénué de tout artifice et cela prend son temps et lève doucement dans notre mémoire comme du bon pain.
Poèmes
Partir, c’est se départir de soi, laisser un peu de ses identités, faire le vide au centre, déverrouiller les yeux et le cœur, accueillir la lumière qui passe, les sourires fugaces.
Partir pour une île, c’est sentir le souffle du vent.
Aventure.
Ouverture.
Dans le cercle de l’île, unité première, tu voyages, le visage au vent.
Attentif à la surprise, tu brises les frontières, dans le monde clos de l’île.
Dans Utopia, tu cherches le visage du voyage.
A Ouessant, impossible d’échapper au vent.
De l’occident à l’orient, Kornog¹ ouvre le monde à tous les vents.
L’île flotte à ras d’écume.
Force brute des éléments.
Mémoire du volcan.
Des pointes de roche déchirent le ciel, chaos de schiste et de granit.
Cinq phares érigés en sentinelles pointent du doigt la cruauté.
Errance des naufragés.
La nuit, Creac’h découpe la lumière en noir et blanc, entre ses lames, les écueils en stroboscopie .
Rouge, le sang. Navigue dans le blanc.
Autour de l’île s’entrechoquent les grands courants. Fromveur , Fromrust². Dans les maëlstroms s’abolissent les illusions.
Marée haut, marée basse, grande lessive.
Tu erres dans l’île, dépouillé de toute identité.
Enez Eusa , terre à part, arche amarrée au bord du monde pour le jour du grand départ, quand aura disparu la mémoire de l’humain.
Uxisama³, chaudron où tourbillonne en borborygmes le magma rouge du renouveau.
D’ouest en est, du nord au sud, le visage de la déesse, et la courbe de l’horizon au fond des yeux.
1. Kornog : vent d’ouest en Breton.
2. Fromveur, courant violent au sud, traduit par « grand torrent ». Fromrust, courant au nord, rust veut dire « rude ».
3. Enez Eusa : Ouessant en Breton, vient du Gaulois Uxisama, « l’île la plus haute ».
***
Les pins de Kerfany
Ici les pins
nourris d’essence de lumière
agrippés au rocher
enracinés dans presque rien
un peu de roche un peu de terre
tordus par le vent
parfois blessés
une branche cassée
énergisent
adoucissent
le paysage.
Ici
sur le promontoire rocheux
ce pin solitaire
veilleur vigilant délimitant l’espace
gardien du temple.
Voir un peu d emer un peu de ciel
entre aiguilles et branches
c’est déjà voir autre chose
aplats de couleurs
calligraphie
trait de pinceau sur la soie
dans un souffle
talisman.
Cadrer un bout de roche
une branche
quelques bouquets d’aiguilles luminescentes et voir
en surimpression
une panoplie de paysages
d’ici
d’ailleurs
oubliés
inventés
superposition d’impressions et sentir
cette vibration
sentir
cette odeur légère de l’air
réminiscences
entendre ce frottement de soie mêlé
au friselis de l’eau
et la mer qui caresse
le rocher
***
Groix.
La pointe des Chats
Kerampoulo
Locmaria
sables rouges
sables blancs
micaschistes à grenats.
Des plis de la roche
mise à nu par la vague
affleure la vérité
sous la peau de la pierre.
Grenats
ventricules ouverts
fleurs de sang
offertes au passant.
La pierre indifférente
à cette incandescence
statue de Bouddha.
***
J'ai surpris l'aube d'automne encore ensommeillée dans les plis de la roche
quelques duvets blancs oubliés dans les creux subsistaient
témoins indiscrets de l’intimité de la nuit
d’une vie cachée
mystère inaccessible.
Tout près de là
le phare
encore allumé dans les lambeaux de nuit annonçait la promesse du jour
et balisait la réalité du rêve.
Dans l’anse de Port-Foll
deux ébauches de croix dans le granit
abandonnées
la pierre n’a pas voulu
de cette crucifixion.
Au jour
la blancheur du quartz
dans la faille du granit
irruption d’une autre force
dans ce monde à l’agonie
la Terre n’a peut-être pas dit
son dernier mot.
Une araignée
qui danse sur la toile du rêve
tisse la lumière en cristaux de pluie
entre par effraction dans l’instant qui passe
effleure les feuilles des framboisiers sauvages
piège le premier soleil de l’aube d’été
elle danse
légère
et s’évaporent
les mots en rade
les non-dits et les non-entendus
les lettres mortes
les frémissements des volontés non-abouties
le cortège des effarés
les cris des condamnés
les stigmates saignants des crinolines
les nuits sans fin
quand l’enfer fait son lit
dans la fureur de l’ennui
l’irréfragable fil de l’épeire éphémère
tisse l’oubli
de l’inconsistance des jours passés à s’agiter pour rien
des jours où on voudrait passer la marche arrière
des amours morts-nés
des grimaces du singe dans le miroir
du halètement du temps
de l’affleurement de la conscience au bord du gouffre
du poison noir des servitudes
de l’infracassable noyau de nuit
une araignée qui danse
et seule subsiste
la lumière.