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Anthologie subjective de G. Allix
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Lionel Gérin



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Lionel Gérin

 

 

Maison+Belmont(22)

 

 

Né à Roanne en 1958, a suivi des études d'anglais à Nanterre. Vit et enseigne à Lyon. Voyages : Europe, Tunisie, Jordanie, USA, Mexique, Guatemala, Equateur, Thaïlande, Birmanie, Indonésie, Malaisie, Philippines, Vietnam, Chine, Inde, Pakistan. Ecrit depuis très longtemps, mais ne s’est jamais  soucié d'être publié (paresse ? manque de confiance ? orgueil ?).

Depuis deux ans, deux de ses poèmes ont paru dans les Cahiers du sens, grâce à un ami poète : Bruno Thomas.

 

Contact : gerinlca@wanadoo.fr

 

Voilà un poète qui traîne comme un remords dans les fichiers de mon ordinateur depuis 18 bons mois. D'autres auraient poussé de grands cris ? Comment peut-on faire ainsi attendre les génies autoproclamés ? Rien de cela. Lionel s'est tû, blotti dans le beau silence éloquent de ses poèmes. Et c'est tout. Il ne s'est en rien rappelé à moi et c'est moi au contraire, tout confus je l'avoue, qui me suis rapproché de lui après cette coupable négligence. 

Que serait une anthologie si elle ne donnait pas ce plaisir merveilleux de la découverte ?

Lionel Gerin a 52 ans déjà et pourtant il n'a rien publié ou presque. Seuls à ce jour, semble-t-il, les heureux lecteurs des "Cahiers du Sens" (ceux-là il est vrai ont l'habitude des vraies surprises) ont pu lire le beau "Causse" par exemple grâce à l'entremise de Bruno Thomas, autre vrai poète.

A l'heure où tant de plumitifs essoufflés se pressent dans les boîtes aux lettres des éditeurs : "Je vous honore de mon chef-d'œuvre ?", voilà un homme qui ne s'est jamais soucié de publier : "paresse ? Manque de confiance ? orgueil ?" confesse-t-il. Et il me donne une notice bio de 3 mots là où d'autres me livrent parfois des pages.

 

Et si après tout c'était là la marque justement : cette force du verbe qui refuse toute ostentation et tout narcissisme et se donne juste à lire un peu comme si de rien n'était, pressé par la seule amitié ? Et finalement existe-t-il d'autre véritable raison de murmurer ses mots à l'oreille des livres que cette amitié pour le semblable, le frère ? Voilà en tout cas, loin des tristes laborantins et des insignifiants salons, un homme qui sait avouer : "Peut-être douter de l'aube eût-il été salutaire ?". Et puis dans l'urgence du regret et du remords il ose ce terrible "Qu'avons-nous fait de notre faim ?". Ce seul vers me le fait aimer. Me rend nécessaire sa parole et me fait parier sur lui contre ce siècle déliquescent.

 

  

 

 

Poèmes :

CAT BA

 

 

Ecoute :

Jamais nous ne trouvâmes la tessiture du sommeil.

Après un soir de cuivre, aucun souffle n'apostrophait la nuit. La baie, étale sous un ciel absent, restait amarrée aux pontons.

A la phalange de l'île, dans un palais exsangue, les falaises du rêve nous surprenaient debout près d'un puits, ou adossés aux arcades.

Nos corps, conjonctions de fèves dans le poing de la chaleur, passaient des rives de l'eau aux berges plus torves de la sueur.

Un tunnel dans l'ombre ouvrait sur la face cachée du sable.

Minuit et ses semblables furent cloués au pilori de la lune.

Parvenus au nœud intime de la fatigue, nous épluchions les heures et nos regards le croissant des plages, épiant le songe enfui du vent, la transe liquide des rizières.

Aux corniches gisaient les draps tordus, linceuls de toute circulation, sur la pierre chaude de la galerie fanée, notre épiderme arpenté par un soleil noctambule.

Les heures du petit matin désertèrent à peine les terres où se tenaient les mégisseries de l'air lourd.

Sonnés, où étions-nous, et quel était ce temps ?

Peut-être douter de l'aube eût-il été salutaire.

 

 

 

 

***

 

 

ODE A LA MEMOIRE D'AHMAD SHAH MASSOUD

 

 

« Le poème sur Massoud a souvent été mal interprété dans mon entourage. C'est moins une apologie qu'un hommage à la résistance. Si l'homme a pu commettre des erreurs (je ne connais pas toute sa biographie), c'est le symbole de l'espoir et de l'insoumission que je salue, ainsi que ce pays dont je rêve depuis bientôt 40 ans. » commentaire de l’auteur

 

 

Il en était de toi comme d’une terre inconnue, grosse d’une promesse par le seul pouvoir de son nom, une Surabaya, une Samarkand. Tu existais en un autre endroit du monde. Cela seul importait, rendait la nuit moins épaisse. Ton nom était camp retranché.
La nouvelle fut incursion arctique sur la peau de l’été finissant, sursis terrible à l’ordinaire des jours :

Ahmad Shah Massoud est mort !

Rare est la race dont tu fus, homme debout ! Déjà ton absence crée des ambassades insoupçonnées.

A ton épouse, à tes enfants, à tes amis de dire qui tu étais dans ta chair, où se tenait ton centre, ton haleine de couveuse sur leur épaule et le bruit de ton pas sur le seuil; tout le limon rocailleux de l’homme.

Aux historiens de chanter ton génie militaire. Aux charognards d’estimer le prix de ta mort à l’aune des tirages.

Mais qui consolera la montagne et son échine un peu plus déserte ?

Et l’aigle qui relayait ton regard dans l’air, qui caressera son vol ?

Qui cueillera dans ses prières la perle douce de tes yeux, et combien de poèmes orphelins de ton souffle sur leurs rimes persanes ?

Ton geste désormais manque aux vallées arides. Toute la géographie de ton corps s’en est allée habiter la terre et les chemins que tu arpentas.
Ahmad Shah Massoud est mort !

Son corps n’est plus livré aux avrils incertains. Il tiédit les sillons et choie la graine des peupliers qui croitront droits et longs au bord d’un canal de l’Hindu Kush. Un essaim de chatons tombés des branches, au printemps suivra le fil de l’eau et ira dire la mort de Massoud aux abricotiers. Sur les toits, cet été, les noyaux seront plus secs.
Terre Afghane, reçois un autre de tes fils !

Fais de sa chair un levain pour un blé rouge inconnu, de ses os une pierre un peu bleue. Elle deviendra cairn aux croisements des sentes, sera sonore limpide aux doigts de l’enfant-berger, jetée en riant aux torrents éclatants. Elle sera le lapis de l’humble, en cadeau au front de l’épousée.

Etoiles du mois d’août, cheval Tadjik, lune rousse et pleine, Ahmad Shah Massoud manque à l’appel du monde. Un peu de l’humain en nous recule mais l’andain de sa résistance a su toucher certains de nos rêves.

La nuit qui vient sera un peu Panshiri.

 

 

***

JEU DE PISTE

 

 

Dans les méandres des frissons de l’épeautre j’ai découvert deux empans de ton ventre de fille.

Dans le chant escarpé des cigales qui enroue le vent du Sud, les fossettes de tes reins.

Dans l’ombre des tilleuls où émarge l’averse, le goût de ton aine.

Sous l’hypnose amniotique, à l’aplomb des failles coralliennes, le rebond de ta hanche quand tu es allongée

Sous l’aile ajourée des onguents sécrétés par l’épeire, le jardin étroit de ta nuque.

Sous la lèvre à peine écorchée des rizières, la margelle de ton sexe.

Il s’agissait de te trouver dans l’inventaire du monde et d’assembler ton corps.

Pour pouvoir l’oublier et te chercher encore.

 

 

***

 

 

Nous aurions dû

 

 

Nous aurions dû écrire des poèmes de vengeance avec des mots de fer.

Nous aurions dû manger la guerre.

Nous aurions dû manger la nuit interminable des hommes et des femmes nus lacérés,

La nuit nègre et indienne écartelée.

Nous aurions dû avaler l’ombre,

L’ombre portée sur l’homme,

L’ombre du mensonge sur la mémoire.

Nous aurions dû manger notre colère

Avant qu’elle ne nous démantèle.

Nous aurions dû manger la peur,

Empêcher ses enfants.

 

 

Qu’avons-nous fait de notre faim ?

 

 

***

 

 

PENSE-BÊTE

 

 

Songer à la lumière avant que la douleur ne survienne.

Décapsuler d'un seul geste la chaleur endormie dans ta paume.

S'ébrouer au sortir de l'ombre pour mieux chasser la fièvre.

Lâcher l'appât pour l'ambre que l'on boira un soir au rebord des fenêtres.

Percer à jour le secret des jonquilles dans les prés pentus et les rumeurs d'avril.

Bourlinguer sur des rives qui longent les épices dans les balbutiements du souffle.

Gréer de grands mammifères pour aborder les fleuves.

Oublier une fois par jour les pièges qui nous illuminent et nous terrassent.

Sculpter dans le chaume comme un refrain de neige.

Distiller des liqueurs arachnéennes et, dans des dédales profonds, suivre le fil de nos pensées.

Résister.

Fourbir nos volcans à éructer aux quatre vents.

Amadouer les nerfs des roseaux qui s'impatientent.

Dénouer les cerfs, les rosées, les cerises, et la brume en sursis.

Ne pas s'aveugler sur l'étendue de la perte.

Ravir les ecchymoses lors de fêtes païennes.

Penser à la lumière quoiqu'il advienne.

 

 

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